et
émergence du sens de l'harmonie
par
Jean-Marie Le Tensorer,
Professeur à l'Université de Bâle,
Directeur de l'Institut de Préhistoire (*)
1.- Introduction
Au cours des deux à trois millions
d’années de l’aventure humaine, certaines étapes fondamentales jalonnent
l’histoire du développement intellectuel. Au cours de la maturation de la
pensée conceptuelle qui caractérise les tous premiers hommes, l’apparition de
notions telles que le sens de l’harmonie ou l’idée de symétrie nous semble liée
à l’émergence d’une pensée symbolique. La question que certains se posent est
de savoir si la morphologie ou l’aspect « esthétique » de certains
outils du Paléolithique ancien, en particulier des bifaces, peut être assimilé
aux prémices d’une création artistique ? Le problème peut être formulé
différemment : Comment, au cours de l'immense durée des temps
préhistoriques, la pensée symbolique a-t-elle pu se développer chez
l’homme pour aboutir à la création artistique ? Mais cette interrogation
n’a peut-être aucun sens car nous nous situons dans un domaine de connaissances
incertaines, dans une sorte d’interface floue entre les données objectives
relevant des objets préhistoriques, leur technologie, leur typologie, leur
morphologie ou leur fonction, et l’interprétation que nous essayons d’en donner
à partir de nos systèmes de pensée moderne. L’art est un concept récent. Voilà
deux ou trois siècles, l’art tel que nous le concevons aujourd’hui n’existait
pas. André Malraux le souligne dès la première phrase de son Musée imaginaire[1] :
« Un crucifix roman n’était pas d’abord une sculpture. ». Même si
l’art, comme la civilisation occidentale le postulait jusqu’au début du XXème
siècle, se réduit au concept aristotélicien de la mimèsis[2],
c’est-à-dire de l’imitation par l’artiste de sa vision personnelle du réel ou
de l’imaginaire, l’émergence de la créativité artistique ne semble pas ou peu
antérieure à l’apparition de l’homme moderne. C’est d’ailleurs l’opinion la
plus généralement admise par les chercheurs. A. Leroi-Gourhan considère que
c’est avec Homo sapiens qu’apparaît l’aptitude à fixer la pensée dans des symboles
matériels[3].
Dans sa brillante analyse de l’oeuvre de ce grand spécialiste de l’art
paléolithique, M. Groenen écrit[4] :
Avec les derniers néandertaliens vont
progressivement se développer le rhinencéphale - centre des émotions - et le
néo-cortex - centre de la “ conscience lucide ”. Ce double
enrichissement des territoires cérébraux constitue (...) un acquis majeur
puisqu’il va libérer l’homme de la férule du biologique et lui ouvrir les
possibilités infinies de la création technique et du monde des symboles.
Cette idée fondamentale de la libération progressive de l’homme des contraintes
naturelles semble bien caractériser l’un des aspects essentiels de l’évolution
humaine. Cette notion a maintes fois été exprimée par les philosophes. Elle
correspond à l'émergence de la pensée réfléchie, jaillissant d’un support
biologique pour s'élever vers une conscience toujours plus lucide. L'évolution
humaine se traduit donc par un éloignement de plus en plus grand du milieu
naturel, des héritages génétiques, des contraintes de l'instinct. Mais il ne
s’agit pas seulement de la classique opposition nature/culture; il s’agit d’une
troisième voix, de type métaphysique, beaucoup plus subtile. L'homme,
graduellement, s'est libéré du monde qui l'entoure pour créer un univers
intérieur, celui de l'esprit. L'apparition de cette composante spirituelle va
conduire à la création d'idées non utilitaires que l'on pourrait qualifier
d'extra-naturelles ou de trans-naturelles. Dans cette optique, ce que nous percevons
lors de l’examen et de l’étude des premiers outils de nos ancêtres, avec notre
culture d’homme « moderne », c’est cette composante transcendante
indéfinissable attachée à l’objet façonné. Cette composante vient de l’humain
et caractérise l’homme. Elle crée une communication symbolique entre nous et
nos ancêtres. Si nous voulions définir l’art comme expression de cette
« communication symbolique », alors l’artisan paléolithique était
aussi un artiste. Mais cela est une autre histoire…
2.- Les sources
Pendant les 3 millions d'années de
l'aventure humaine, à partir de quel moment peut on déceler les prémices de
cette « communication symbolique »? A notre avis très tôt, dans la
mesure où certains outils produits par les Homo
erectus les plus archaïques[5] peuvent être définis non seulement par des
critères typologiques ou techno-fonctionnels mais aussi par des aspects
stylistiques, incluant une composante « esthétique » non-utilitaire
évidente et, de ce fait, vraisemblablement symbolique.
Dans son sens anthropologique, la
culture représente l'intégralité des faits et gestes d'un groupe humain à un
moment donné. On a l'habitude de distinguer les activités matérielles (habitat,
outillage, chasse, vêtement, parure, nourriture etc.) des activités
intellectuelles (langage, organisation de la famille et de la société, art,
conceptions religieuses, traditions etc.). Cette distinction est naturellement
arbitraire car les domaines matériels et intellectuels interfèrent continuellement
créant, entre autre, les styles. La définition percutante de Malraux : l'art est ce par quoi les formes deviennent
style[6],
prend tout son sens pour des époques aussi anciennes que le Paléolithique
inférieur. L’Homo erectus ne nous
ayant pas laissé de manifestations artistiques immédiatement évidentes - si
l’on excepte de très rares et fines gravures sur os, dont le caractère
intentionnel est loin d’être établi[7]
- l’outillage lithique reste la source principale d’information pour nous
permettre d’appréhender le développement intellectuel ou la capacité à
s’émouvoir des hommes du Paléolithique ancien. La question de l’origine de la
créativité artistique se résume alors à la question simple : les outils ou
certains outils du Paléolithique ancien peuvent-ils être considérés comme
porteur d’un message symbolique[8]?
L’artefact serait alors non seulement un outil mais aussi un signe dont les
attributs comprendraient à la fois le contenu symbolique et son expression. Un
tel objet devient alors à la fois signifiant et communiquant à deux niveaux,
l’un techno-fonctionnel, l’autre culturel et symbolique. A côté de l’outillage
façonné ou débité par l’homme, on recueille parfois dans les gisements du
Paléolithique ancien des objets naturels curieux, vraisemblablement ramassés
pour leur aspect étrange, leur forme, leur texture ou leur couleur : cristal de
roche, fossiles, coquillages, minéraux, roches diverses, colorants naturels;
tous ces éléments ne s’apparentent pas à des objets fonctionnels. Ils forment
une catégorie particulière prouvant une attirance, peut-être même une
fascination ou un émerveillement de l’Homo
erectus pour ces productions dont,
comme l’écrit Michel Lorblanchet : “la question de l’Auteur les introduisaient
sans doute dans le domaine des croyances, des mythes et des symboles“ [9].
La question étant posée, il convient de s’interroger sur les conditions de
l’apparition chez l’homme de la conscience d’un univers extra-naturel[10],
distinct de celui qu’il appréhende dans sa vie quotidienne.
3.- La distinction du naturel et de l’extra-naturel à
l’origine de la création artistique ?
L’art correspond à des considérations esthétiques,
métaphysiques, spirituelles... Mais tous ces concepts appartiennent à l'homme
actuel. Aujourd'hui, nous distinguons le naturel du surnaturel selon l'explication
rationnelle d'un fait en fonction de l'évolution de la science; mais comment
l'homme du Paléolithique pouvait-il appréhender des notions telles que le réel
et l'imaginaire, l’explicable et l’inexplicable, le métaphysique et le
physique? Nous n'en savons rien; mais nous ne pouvons imaginer l'émergence du
surnaturel dans la pensée humaine qu'à partir du moment où l'individu est
capable de comprendre et d'expliquer un certain nombre de phénomènes. La
distinction naturel/surnaturel n'a pas de sens si l'on ne comprend rien et si
l'on n'explique rien. Elle n'en a pas non plus si tous "les mystères de la
nature" peuvent s'expliquer scientifiquement.
Au cours de son évolution,
l'humanité a franchi plusieurs seuils d'intelligence. Au commencement
correspond l’apparition de l’outil façonné et donc de la pensée conceptuelle.
Cette phase débute avec les Homo habilis.
Le premier outil façonné est comme une ligne de rupture primordiale qui a
conduit l'homme à se placer dans une situation singulière par rapport à la
nature. L’acte de création consciente et réfléchie qui produit, à partir d’un
bloc de matière brute, un artefact correspondant à un certain projet est sans
équivalent dans l’évolution du vivant avant le premier homme. La deuxième
étape, l’apparition de la pensée symbolique, est celle qui nous intéresse ici.
Elle se produit au cours de la lente évolution des Homo erectus. Vers la fin du Paléolithique ancien, il y a environ
quatre cents mille ans, un troisième seuil sera franchi avec la domestication
du feu. Cette innovation va coïncider avec l’apparition de nouvelles techniques
de production de l’outillage lithique et l’on assiste à la mise en place d’une
véritable société humaine. L’habitat se structure et la différentiation entre
un espace domestique intérieur et un espace extérieur correspond
vraisemblablement à une évolution spirituelle. A partir de ce moment, on
assiste à une évolution corticale rapide du cerveau qui s’achève avec l’apparition
des mythes et de la spiritualité chez Homo
sapiens marqués essentiellement par les premières sépultures puis le rapide
développement de l'art mobilier et de l’art pariétal.
La maîtrise de la taille de la
pierre et la production d'outils furent donc une des premières grandes emprises
de l'homme sur la nature. Dès le début, l'homme technicien, artisan et
chasseur, dont la survie est liée à l'habileté qu'il déploie pour assurer sa
subsistance, va mettre en oeuvre son intelligence afin d'optimiser ses
procédés. Voilà la source principale du progrès: l'amélioration des conditions
de vie. Mais il y a beaucoup plus. L'homme, à partir d'un certain stade
évolutif, va prendre vraiment
conscience du passé et de l'avenir. Nous situons cette époque avant le début de
l'évolution rapide du cortex cérébral. L'homme se situe alors dans un univers
dont il contrôle certaines données, mais dont il dépend pour l'essentiel.
Plongé dans cette immense Nature où il est tour à tour créature et créateur,
l'individu n'est pas isolé. Au sein de la société primitive s'établissent des
rapports qui, bientôt véhiculés par le langage, nourrissent la réflexion d'où
naît le besoin de comprendre le monde. La mémoire individuelle et collective a
dû jouer un rôle prépondérant dans l'évolution de la pensée réfléchie puis de
la pensée symbolique. Le problème est de situer à quel moment, au cours de sa
lente évolution intellectuelle, l'espèce humaine franchit un nouveau seuil,
décisif : l'homme commence à penser la nature en se situant sur un plan
différent d'elle, au-dessus d'elle. L'homme prend conscience de son pouvoir sur
la nature, mais, en même temps, prend encore plus conscience de sa dépendance
et de sa faiblesse par rapport à l'univers dans lequel il vit. La spiritualité,
la conception du surnaturel n'est vraisemblablement qu'un pas de plus vers une
connaissance supérieure, ou supposée telle, permettant à l’homme de franchir un
degré supplémentaire de liberté par rapport au réel et, en conséquence,
d'augmenter son pouvoir sur la course des événements naturels. En cherchant à
expliquer l'univers visible, l'homme améliore son destin; en établissant la
communication avec l'univers invisible, l'homme peut espérer tracer sa destiné.
Il va tenter de se donner le choix. Dans cette optique, la définition de l’art
que donne le sculpteur Jean Pierre Lihou nous semble intéressante: l'Art, écrit-il, est
un ensemble de conduites, différentes et complémentaires des conduites
scientifiques et philosophiques, par lesquelles une société en marche vers son
humanité décrit, exprime, communique puis enrichit sa compréhension du monde et
ses interprétations à travers lesquelles elle tente de le maîtriser[11].
Cette conception actuelle s’applique, mieux que d’autres, aux premiers âges de
l’humanité.
4.- Les faits: composantes esthétique et symbolique des premiers
outils, le cas du biface
Il est frappant de constater dans
les plus anciens outils de l'homme la combinaison subtile d'organisation et
d'esthétique. L'outil est fabriqué selon des règles qui répondent à un but
d'abord fonctionnel : couper, percer, gratter ..., mais en même temps, il
renferme une composante stylistique, projection inconsciente de l’artisan dans
la matière. A l'origine, l'outil devait être uniquement fonctionnel : une
pierre ramassée pour casser une noix, un bout de bois pour atteindre une chose
inaccessible, comme le font les singes les plus évolués. Puis, afin d'en
augmenter l'efficacité, les premiers hommes ont apporté des modifications à la
pierre ramassée. Cette modification est obtenue, par exemple, en frappant un
caillou avec un autre. Mais, dès cet instant, apparaît une différenciation
fondamentale entre l'objet frappé, immobile et l'objet frappant, mobile. Une
main tient la pierre, l'autre frappe. Ainsi naît une dissymétrie fonctionnelle
essentielle qui, répétée à l'infini, n'est peut-être pas sans rapport avec
l'apparition de la dissymétrie fondamentale du cerveau humain et des fonctions
différentes des mains droite et gauche. Par cette activité, l'homme va, c'est
là le miracle humain, façonner la matière pour lui donner une forme
satisfaisante. Dès le début cette forme aura tendance à présenter une forte
symétrie. La symétrie n'est nullement nécessaire à la fonction de l'outil,
c'est un complément esthétique. Cette symétrie est particulièrement manifeste
dans le biface, cet outil à usages multiples qui apparaît avec l'Homo erectus
en Afrique, il y a plus d'un million d'années et qui se retrouve encore dans le
Moustérien de tradition acheuléenne français à la fin du Paléolithique moyen.
De plus cet objet connaît un immense développement en Afrique et surtout au
Proche-Orient puis, mais dans une bien moindre mesure, en Europe, en Inde et à
Java.
Le biface est un des outils
préhistoriques qui a le plus fasciné les chercheurs[12].
Le “ coup de poing ”, comme on l’appelait au siècle dernier, a joué
un rôle essentiel dans la reconnaissance d’une humanité
“ antédiluvienne ”. Cet objet a toujours été identifié, bien avant
que l’existence de la Préhistoire ne soit admise, comme le produit certain
d’une manufacture humaine. Cela est déjà vrai en 1700 lorsque John Conyers
exhume le biface de Gray’s Inn Lane, considéré comme la première hache
acheuléenne connue[13],
et figurée par J. Evans[14]
en 1860. Depuis cette antique découverte, les spécialistes n’ont eu de cesse de
s’interroger sur cet outil remarquable. Pratiquement tous ceux qui ont étudié
des bifaces n’ont pas manqué de souligner leur morphologie très standardisée
sur des périodes extrêmement longues et des territoires immenses. Beaucoup ont
souligné la “ beauté ” de ces pièces, même si c’était immédiatement
pour minimiser ce fait au profit de la fonctionnalité. V. Commont
n’écrit-il-pas en 1907 à propos de l’étude des bifaces de Saint-Acheul : quel était le but de l’ouvrier en fabriquant
ces outils ? Il est vraisemblable de croire que ce n’était pas
exclusivement la beauté de la pièce qu’il envisageait et que le sentiment
esthétique était peu développé chez lui. Il est plus raisonnable de penser qu’il
avait en vue la production d’un outil de forme déterminée répondant à un besoin
particulier[15]. F. Bordes,
technicien de la pierre taillée par excellence, assure que les Acheuléens ne fabriquaient certainement pas les bifaces pour
s’amuser, mais fabriquaient les formes dont ils avaient besoin[16],
mais en même temps il s’émerveille de la forme parfaite ou de la beauté de tel
ou tel biface. Certains n’hésitent pas à franchir
le pas : G. Clark et S. Piggot affirment[17] : It would
be perverse to account for the finest hand-axes in terms of their function
alone. The cult of excellence, the determination to make things as perfect as
they could be made, is something which began thus early in the history of man.
Dans son manuel, à propos des bifaces, G.
Smolla pose la question[18] : Ist es
erlaubt, hier schon von frühesten Kunstwerken zu sprechen, oder soll man sich
mit der Formulierung “ Vorhandung der Kunst ” begnügen ?.
On le voit, l’hypothèse du biface objet d’art n’est pas nouvelle,
mais la découverte de plus de 11.000 bifaces dans le seul gisement acheuléen de
Nadaouiyeh Aïn Askar (Syrie) et surtout l’absence presque totale d’autres
outils ainsi que l’évolution apparemment paradoxale de ces objets beaucoup plus
finement taillés dans les niveaux anciens que dans les niveaux récents, nous
ont conduit à poser à nouveau la question de la signification de ces pièces[19]
.
Le Paléolithique ancien de
Nadaouiyeh[20] est
représenté par au moins 7 stades acheuléens répartis sur une trentaine de
niveaux archéologiques (fig.1). A cela s’ajoutent des industries de transition
entre les Paléolithiques ancien et moyen : le Yabroudien et le Hummalien.
Pour éviter des confusions avec les dénominations existantes des différentes
périodes de l'Acheuléen au Proche-Orient[21],
nous avons adopté pour la séquence un système indépendant. Les stades
acheuléens de Nadaouiyeh ont été dénommés provisoirement Acheuléen faciès-G à
Acheuléen faciès-A, du plus ancien au plus récent. Cette subdivision a une
signification qui dépasse certainement le cadre local et peut servir de
référence pour caractériser l'évolution de l'Acheuléen au-delà du désert syrien[22].
Schématiquement, l’évolution des
traditions lithiques de Nadaouiyeh se résume de la façon suivante : La phase
ancienne de l’Acheuléen se distingue par une taille extrêmement soignée des
bifaces et une forte standardisation des formes (fig.2). Cette phase peut être
subdivisée en plusieurs faciès distincts (Nad-F à Nad-D). Un pariétal d’Homo erectus
[23]a
été trouvé en octobre 1996 dans un des niveaux renfermant l’Acheuléen de faciès
D (couche 8). Comparées aux niveaux plus anciens, les phases plus récentes de
l’Acheuléen (Nad-C/B) sont marquées par une taille beaucoup moins soignée des
bifaces (fig.3). Ceux-ci sont plus épais, nettement moins standardisés, et l’on
observe au cours de cette période une importante augmentation d’un outillage
léger sous forme de bifaces diminutifs (microbifaces) et d'outils sur petits
blocs (chopping-tools). On n'observe aucune production systématique d’éclats.
Les outils sur éclats sont très rares. Séparé par des hiatus stratigraphiques
cet Acheuléen est suivi d’occupations attribuables au Yabroudien puis au
Hummalien. Tout au sommet de la stratigraphie on observe un retour de la
tradition acheuléenne (Nad-A). Cet Acheuléen final est caractérisé par des
bifaces relativement légers et quelques outils sur éclat.
Nous constatons donc que, dans les
niveaux les plus anciens, dont l’âge est estimé entre 500’000 et 400’000 ans,
les bifaces atteignent une perfection exceptionnelle alors que l’artisan qui
les a produits peut être qualifié d’Homo
erectus plutôt archaïque. Ces
bifaces, remarquablement standardisés, présentent des formes parfaitement
symétriques et d'une très grande pureté (fig. 2), leur finition est particulièrement
soignée. Or l'outil n'a pas besoin d'être “ beau ” pour être
efficace. Il y a indiscutablement dans ces pièces un souci d’esthétisme. A la
composante fonctionnelle s'ajoute vraisemblablement une composante spirituelle
dans la mesure où l’artisan façonne la matière pour lui donner une forme idéale
qu’il juge nécessaire alors qu’elle n’est pas fonctionnellement un avantage. Ce
qui est encore plus surprenant, c’est l’absence
d’autres formes d’outils. Les outils sur éclats, si abondants dans tous les
Acheuléens européens ou africains, beaucoup plus aisés à produire et tout aussi
efficaces pour les travaux habituels que les bifaces, font complètement défaut.
Il y a donc une volonté absolue de ne produire, et en grand nombre, que des
outils bifaces. Cette exclusivité est surprenante et suppose donc l’exclusion
des autres types d’outils habituellement produits. Cette singularité renforce
l’impression d’appartenance de cette industrie à une culture parfaitement
définie et répondant à des critères, des règles, d’un grande précision,
n’autorisant pas la production non codifiée d’outils. C’est à ce niveau que
nous pensons voir l’apparition du symbole dans l’outil. Pour M. Groenen, le
symbole possède, pour les membres d’une société, une valeur en soi. L’adhésion
commune à un ensemble de symboles constitue, au sein d’un même groupe, la
garantie de leur validité[24].
De plus, le symbole implique la notion d’appartenance. Comme le disait G.
Gurvitch, "le symbole inclut et il exclut". Cette appartenance (...) marque la dimension culturelle[25].
Ces deux attributs caractérisant le symbole nous semblent bien présents dans le
biface. C’est ce que nous avons plus haut qualifié de contenu et d’expression
du message symbolique. Le contenu nous échappe certainement. Cependant la forte
symétrie du biface et son allongement caractéristique nous rappelle
immanquablement la forme de l’homme lui-même. Y aurait-il une sorte
d’anthropomorphisation de la matière ? L’homme aurait-il consciemment ou
inconsciemment projeté son image et son ego dans l’outil qui deviendrait alors
une sorte de lien entre l’homme et la nature ; pourrait-il y avoir une
transmission du pouvoir de l’homme par l’intermédiaire de son outil ? Les
débuts de la communication symbolique et donc de la créativité artistique
seraient-ils une tentative d’humanisation de l’inerte, l’homme aurait-il fait
l'outil à son image ? Si cette hypothèse est exacte, on retrouverait ici,
au moins partiellement, l’idée primordiale de la mimèsis ce qui rejoint l’idée
d’Aristote qui postule que l'instinct mimétique distingue l'homme des animaux
et que le phénomène de l'imitation remonte sans
doute à l'origine de l'humanité[26].
L’habitude de projeter l’image de nous-même et de notre activité dans des
formes concrètes du monde extérieur est le fondement de la création artistique[27].
L’homme ne fait que s’imiter dans son
oeuvre, son oeuvre est son miroir[28].
Le
deuxième problème soulevé par les observations faites à Nadaouiyeh est celui de
l’évolution apparemment paradoxale des bifaces qui, superbes dans les niveaux
inférieurs, deviennent peu à peu irréguliers et plus grossiers au cours du
temps. Devons-nous y voir un appauvrissement de la fonction symbolique de
l’outil au profit de l’efficacité fonctionnelle ? Il nous semble que la
question se pose. Si cela était le cas, on assisterait à une sorte de
“ désacralisation ” de l’outil. Le message symbolique indispensable à
la cohésion du groupe serait alors contenu et exprimé par d’autres supports qui
ne se fossilisent pas comme le geste, la parole ou le rite.
5.- Un Nombre d’Or paléolithique ?
Pouvons-nous aller plus loin dans
l’analyse „esthétique“ du biface? Sa morphologie particulière et sa symétrie
nous conduisent immanquablement à étudier les proportions de cet outil. Les
formes produites par l’homme possèdent des rapports de proportions et une
composition qui régissent l’unité de l’oeuvre. Le plaisir esthétique et la
perception de l’harmonie résultent de relations qui s’établissent entre les
formes de l’objet et l’impression favorable qui nait à sa contemplation. L’oeil
va donc rechercher et favoriser certaines perspectives, certaines régularités
et en tout premier lieu la symétrie. Cette opération est naturellement
cérébrale et dépend de phénomènes physiologiques, psychologiques et socio-culturels.
Le Module d’Or ou Nombre d’Or n’est qu’un postulat de
l’harmonie. Le corps humain, considéré comme le plus parfait exemple de
symétrie et d’harmonie de la nature sert de modèle lors de la création d’un
objet concret, reflet d’un idéal. A ce propos, Marc Crunelle souligne que: à nos symétries intérieures répondent celles
que nous mettons dans les choses[29].
Ainsi les Grecs ont établi une règle arithmétique basée sur l’harmonie du
rapport du pied d’un homme idéal à sa hauteur, modèle de la colonne dorique. La
section d’or découle de la théorie mathématique de l’harmonie dont la version
métaphysique et cosmologique établit une correspondance entre le corps humain,
„l’âme“ humaine et „l’âme“ du monde. L’harmonie du corps humain n’est autre que
la matérialisation de son „âme“. Pour les Grecs, la beauté, fin suprême de
l’artiste, est mise sous la dépendance „de la symétrie de toutes les parties du
corps, du rapport de ces parties entre elles et de chacune d’elles au tout“ Les
rapports de proportions sont à la base de l’harmonie[30].
Le Nombre d’Or des Grecs correspond à une proportion longueur-largeur d’environ
1,62. La mesure de plusieurs milliers de bifaces de Nadaouiyeh nous a montré
une tendance à la standardisation et à la reproduction d’un rapport longueur-largeur
préférentiel assez caractéristique pour chaque faciès. Ce rapport dépend de
l’allongement des bifaces. Dans les phases anciennes, ce rapport est voisin de
1,4. Ce nombre ne pourrait-il pas correspondre à une sorte de rapport
harmonique pour Homo erectus?
Dans ce domaine, nos études en sont encore au stade
exploratoire. Il nous semble, cependant, que les premiers hommes ont projeté
dans des artefacts comme le biface, dont la morphologie est fixée par le façonnage,
une composante harmonique fondamentale comparable à la „divine proportion“ du
Nombre d’Or antique.
6.- Conclusion
Le biface est déjà une sculpture,
elle renferme, sans doute inconsciemment, l'image de l'homme, bête verticale et
symétrique. C'est pour nous, indiscutablement, une forme d’art, mais cet art ne
traduit pas encore une expression métaphysique lucide, ce n'est probablement
que la projection inconsciente d'une nécessité esthétique, harmonique et
symbolique dans l'objet façonné. Une nouvelle étape sera franchie lorsque
l'homme commencera à traduire sa réalité intérieure par le graphisme. La
matérialisation par le trait d'une pensée s'apparente alors à une écriture.
C'est un moyen de communication et de conservation de l'idée. Sans atteindre ce
niveau conceptuel qui ne sera réalisé qu’avec l’Homo sapiens, les
premiers hommes, dès le Paléolithique ancien, dans l’acquisition de la notion
de symétrie et l’émergence du sens de l’harmonie auront rendu la matière
communiquante. C’est là une étape primordiale et décisive de l’humanisation.
(*) Le Professeur
J.-M. Le Tensorer a pris en charge depuis une vingtaine d'années la
direction des recherches archéologiques de la région d'El Kowm, en Syrie, et
tout particulièrement des fouilles du site de Nadaouiyeh Aïn Askar. En 1997, il
a présenté au Musée de l'Homme, à Paris, une exposition permettant d'apprécier
les résultats de ses travaux et les interprétations que l'on peut en dégager ;
il a rédigé le catalogue de cette exposition sous le titre : Les premiers hommes du désert syrien
(éditions du Musée National d'Histoire Naturelle, préface Henry de Lumley – v.
bibliogr. infra). A signaler
l'importante exposition en 1999 : La
Syrie, terre de civilisations, successivement à Bâle, au Québec et aux
U.S.A., à laquelle le Prof. Le Tensorer a substantiellement contribué, et dont
le catalogue est paru sous la forme d'un ouvrage remarquablement illustré, sous
la dir. du Prof. Michel Fortin (Univ. de Laval). Thèmes-rédac.
Bordes F. (1953) : Typologie et
statistiques, Observations sur la note de Mlles Alimen et Vignal, Bulletin de la Société Préhistorique
Française, tome L, fasc. 1-2, pp.74-81.
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López Junquera
G. M. (1982) : Aspekte des Faustkeils -
Versuch einer synthetischen Betrachtungsweise des Faustkeilphänomens.
Dissertation zur Erlangung des Grades eines Doktors der Naturwissenschaften der
Geowissenschaftlichen Fakultät der Eberhard-Karls-Universität Tübingen, 440 p.,
137 fig., 2 cartes.
Malraux A. (1951) : Les Voix du Silence, Paris, Galerie de
la Pléiade.
Marshack
A. (1989) : The neanderthals and the human capacity for symbolic thought :
cognitive and problem-solving aspects of mousterian symbol, in : L'homme de Néandertal, La Pensée, Ed. M. Otte, Liège 1989,
pp.57-92.
Muhesen S. (1988) : Le Paléolithique
inférieur de Syrie. L'Anthropologie,
92, 3, 1988, pp. 862-882.
Schmid P. & Le Tensorer J.-M. (2000) L’Homo erectus
au Proche Orient. In. Les premiers
habitants de l’Europe, Résumé des communications. Colloque de Tautavel
10-15 avril 2000, p.84.
Smolla G.
(1967) : Epochen der menschlichen
Frühzeit, Verlag Karl Albert, Freiburg - München, , 168 p.
Vandenheede L. (1997) L’art et le corps : Le
Module d’Or. Art & Fact, n°16, Liége, p. 85.
(figures
publiées : v. aux références supra)
1.-
Nadaouiyeh Aïn Askar (région d’El Kowm, Syrie centrale) : Une des coupes
stratigraphique Est-Ouest (coupe P.7), les chiffres romains I à VII,
correspondent aux unités stratigraphiques. Sur ce profil, la séquence
acheuléenne se développe dans les unités VII à V et II. Le faciès Nad-D
comprend 4 niveaux archéologiques distincts (couches 8a-c) dans l’unité VII; le
faciès Nad-C, 4 niveaux (couches 8-1, -1a, -1b, et -94-1) dans l’unité VI; le
complexe cryoturbé de la couche 7 se place à la base de l’unité V; le faciès
Nad-B représente 16 niveaux (couches 5 et 6) dans l’unité V; enfin le faciès
Nad-A correspond à deux niveaux dans l’unité II. Les restes d’Homo erectus
(faciès acheuléen Nad-D) proviennent de l’unité VII dans le secteur en bas à
gauche du profil. Les complexes yabroudiens et hummaliens prennent place dans
les unités III et IV. Les secteurs notées I représentent des zones perturbées à
l’Holocène. (Les couches acheuléennes plus anciennes, et donc plus profondes,
des faciès G, F et E n’apparaissent pas dans ce profil).
2.-
Bifaces de Nadaouiyeh Aïn Askar (phase ancienne) : en haut, deux bifaces
cordiformes du faciès Nad-E, en bas, deux bifaces ovalaires à coup de tranchet
du faciès Nad-D. (Dessins J.-M. Le Tensorer).
3.-
Bifaces de Nadaouiyeh Aïn Askar (phase récente inférieure) faciès Nad-B.
(Dessins J.-M. Le Tensorer).
[1] A. Malraux : Les Voix du Silence, Paris, Galerie de la Pléiade, nrf, 1951, p.11.
[2] En français, mimèsis doit s’écrire avec un accent grave transposant le grec. On trouve pourtant souvent (à tort) ce mot écrit avec un accent aigu : mimésis. Pour éviter la confusion entre l'imitation en tant que représentation du réel et l'imitation comme technique rhétorique, des chercheurs contemporains tels que Jacques Derrida, René Girard ou Gérard Genette préfèrent pour le premier le mot mimèsis (voir par exemple: Derrida J. (1972) : La dissémination. Paris, Le Seuil; Girard R. (1961): Mensonges romantiques et vérité romanesque.- Paris: Grasset).
[3] A. Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, vol. I, Technique et langage, Paris, Ed. Albin Michel, 1964, p.261.
[4] M. Groenen , Leroi-Gourhan - Essence et contingence dans la destinée humaine. Coll. Le Point philosophique, De Boeck Université, Paris, Bruxelles, 1996, p. 157.
[5] Ce terme est à prendre dans son sens le plus large incluant H. ergaster, H. antecessor, etc.
[6] A. Malraux, Les voix du silence.
[7] Voir à ce sujet l’article de A. Marshack, The neanderthals and the human capacity for symbolic thought : cognitive and problem-solving aspects of mousterian symbol, in : L'homme de Néandertal, La Pensée, Ed. M. Otte, Liège 1989, pp.57-92.
[8] Pour A. Leroi-Gourhan, les anthropiens sont des mammifères à outils manuels, caractère qu'à la limite on peut considérer comme antécédent à l'accès à une pensée symbolisante. In A. Leroi-Gourhan, Sur les formes primaires de l'outil, Festschrift Alfred Bühler, dir. C. A. Schmitz et R. Wildhaber, Basel, 1965, pp. 257-262, p. 259
[9] M. Lorblanchet: La naissance de l’art - Genèse de l’art préhistorique dans le monde. Editions Errance, Paris 1999, p.93
[10] Terme que nous préférons à celui de surnaturel qui établi une structure d’ordre qui n’a pas lieu d’être.
[11] Sur son site internet: http://www.art-creation.com/f/fgene/ftxt/ftxt06.html.
[12] Voir par exemple : G. M. López Junquera, Aspekte des Faustkeils - Versuch einer synthetischen Betrachtungsweise des Faustkeilphänomens. Dissertation zur Erlangung des Grades eines Doktors der Naturwissenschaften der Geowissenschaftlichen Fakultät der Eberhard-Karls-Universität Tübingen. 1982, 440 p., 137 fig., 2 cartes.
[13] L. Capitan, La première hache acheuléenne connue, in Revue de l’Ecole d’Anthropologie de Paris, XI, 1901, pp. 219-226.
[14] J. Evans, “ On the Occurence of Flint Implements in Undidsturbed Beds of Gravels, Sand and Clay ”, in Archaeologia : or Miscellaneous Tracts Relating to the Antiquity, XXXVIII, 1860, pl. XVI ; cité par M. Groenen, Pour une histoire de la préhistoire, Ed. Jérôme Millon, Grenoble, 1994, p.37.
[15] V. Commont, Contribution à l’étude des silex taillés de Saint-Acheul et de Montières, Bulletin de la Société Linéenne du Nord de la France, tome 36, Nr. 377, 1907, pp. 337-369.
[16] F. Bordes, Typologie et statistiques, Observations sur la note de Mlles Alimen et Vignal, Bulletin de la Société Préhistorique Française, tome L, fasc. 1-2, 1953, pp.74-81, p. 77.
[17] G. Clak & S. Piggot, Prehistoric societies, Hutchinson of London, 1965, p.51.
[18] G. Smolla, Epochen der
menschlichen Frühzeit, Verlag Karl Albert, Freiburg - München, 1967, 168 p.
p.43.
[19] J.-M. Le Tensorer, Am Ursprung der Kunst , in Du - Die Zeitschrift der Kultur, Heft Nr.8, Zürich, 1996, pp. 40-44, et J.-M. Le Tensorer, S. Muhesen, R. Jagher, Ph. Morel, J. Renault-Miskovsky & P. Schmid, Les premiers hommes du désert syrien - Fouille syrio-suisse à Nadaouiyeh Aïn Askar. Catalogue de l'exposition, Musée de l'Homme de Paris, Editions du Muséum National d'Histoire Naturelle, 1997, 56 p.
[20] Ce site fait l’objet depuis 1989 d’une fouille programmée du Laboratoire de Préhistoire de l’Université de Bâle, financée par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique, sous la direction conjointe de l’auteur de cet article et du représentant de la Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie à laquelle nous tenons ici à exprimer notre gratitude pour son appui et son aide dans ces recherches.
[21] Voir par exemple : S. Muhesen, Le Paléolithique inférieur de Syrie. L'Anthropologie, 92, 3, 1988, pp. 862-882.
[22] R. Jagher : Nadaouiyeh Aïn Askar, Entwicklung der Faustkeiltraditionen und der Stratigraphie an einer Quelle in der syrischen Wüstensteppe. Thèse de Doctorat en Préhistoire, Faculté des Sciences de l’Université de Bâle, Laboratorium für Urgeschichte, décembre 2000, 3 vol.
[23] Jagher R, Le Tensorer J.-M., Morel Ph., Muhesen S., Renault-Miskovsky J., Rentzel Ph. & Schmid P. (1997) Découvertes de restes humains dans les niveaux acheuléens de Nadaouiyeh Aïn Askar (El Kowm, Syrie centrale), Paléorient 23-1, pp. 87-93. Et Schmid P. & Le Tensorer J.-M. (2000) L’Homo erectus au Proche Orient. In. Les premiers habitants de l’Europe, Résumé des communications. Colloque de Tautavel 10-15 avril 2000, p.84.
[24] M. Groenen, Leroi-Gourhan, Essence..., 1996, p. 165 (voir note 4).
[25] M. Groenen, Leroi-Gourhan, Essence..., 1996, p. 166 (voir note 4).
[26] Le concept de mimèsis fut l’objet de multiples recherches dans la philosophie grecque. Les réflexions de Platon dans la République éclairent d’une façon toute particulière l’idée du biface comme représentation ou imitation de la forme humaine. Platon définit l'imitateur comme créateur d'images en l’opposant au producteur de la réalité. Selon lui, l'imitation artistique est une double tromperie. Les objets matériels ne sont que les reflets de vrais objets existant dans le monde idéal; la représentation de ces reflets par l'artiste n'est donc que l'imitation d'une imitation. L'art s'éloigne ainsi de la vérité et ment aux hommes en produisant des simulacres de réalité. En outre, il est suspect du point de vue moral: les artistes en tant qu'imitateurs produisent des exemples imparfaits qui, présentés sous des formes esthétiques attirantes, sont susceptibles d'influencer l'action des hommes.
[27] Vandenheede L. (1997) L’art et le corps : Le Module d’Or. Art & Fact, n°16, Liége, p. 85.
[28] Borissalievitch M. (1925) La science de l’harmonie architecturale, Paris.
[29] Crunelle M. (1996) L’architecture et nos sens, Bruxelles
[30] Vandenheede L. (1997) L’art et le corps ..., p. 87.