BIBLIOTHÈQUE DE PHILOSOPHIE COMPARÉE

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JEAN-MARC TRIGEAUD

 

L’homme coupable

Critique d’une philosophie de la responsabilité

 

TABLE DES MATIÈRES

I

L’INGÉNUITÉ DU PIRE

Chap. I - La beauté du diable

Chap. II - La critique de la critique

Chap. III - Le droit du plus faible

 

II

DE L’IDÉALISME AU RÉALISME

Chap. IV - Le rationalisme cartésien et le droit

Chap. V - Responsabilité et culpabilité. Le droit et ses limites

Chap. VI - Aspects de la culpabilité chez Aristote et Thomas d’Aquin

 

III

RÉVEILLER LE DROIT

Chap. VII - Le droit ou l’éternel retour

Chap. VIII - Le droit est un songe

 

IV

SUR LE VERSANT ROSMINIEN

Chap. IX - La question Rosmini

Chap. X - La connaissance dans la philosophie du droit de Rosmini. Du général à l’universel

Chap. XI - Le divin dans la philosophie du droit de Rosmini. Du général à l’individuel

 

V

NOUVELLE INTRODUCTION

Chap. XII - Le concept de droit et l’idée du juste

 

 

EXTRAITS :

 

Les acceptions de la culpabilité :

La faute s’apprécie d’abord au regard de l’être et non pas uniquement au regard de la loi qui n’en est que l’interprète.

C’est à défaut d’en avoir bien compris une telle distinction que l’on en arrive à commettre une confusion entre l’ordre éthique et l’ordre juridique.

D’un côté, l’on reporte sur le droit le schéma d’une éthique elle-même assez simpliste pour avoir été moulée dans le cadre qui la préparait à devenir juridique ; et l’on invoque à satiété une « éthique de la responsabilité», qui non seulement fait injure à une exigence éthique, mais entretient certaines passivités de groupe devant le pire (lésions concrètement subies par les personnes existentiellement parlant, au-delà de toute classification ou nomenclature abstraite communément pratiquée). D’un autre côté, l’on refoule dans le domaine ténébreux d’une irrationalité faite de convictions et d’opinions, toute éthique qui se réfèrerait à une connaissance  ou à une vérité ontologique et inconditionnée et qui estimerait pouvoir se placer au-dessus de la précédente ; c’est ce qui permet de cautionner des impuissances ou des complaisances pareillement suspectes en maniant une méthode de quantification de la valeur déclarée relative à la subjectivité de chacun.

Mais il est une dissociation plus fondamentale qui commande finalement l’ensemble des autres. Elle procède d’une perception métaphysique. Elle porte sur la dualité de la nature et de la personne dans l’être. Par sa conception de la responsabilité et de la culpabilité, l’éthique repose sur la personne, alors que, par sa conception propre, le droit ne s’établit que sur la seule nature ou « identité ». (…)

La culpabilité qui déclenche le droit réclame aussi des critères nettement circonscrits. Ils n’impliquent aucune moralisation ni aucun pathos subjectiviste par hypocrite appel à des valeurs en soi, et ils écartent tout autant le recours à l’argument utilitariste, qui vient « adapter » ces valeurs et que n’hésitent pas à adopter positivistes ou « théoriciens de la justice » ou partisans d’un « droit naturel » auto-suffisant……………………….…………p. 8

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Culpabilité et responsabilité juridique :

La culpabilité qui déclenche le droit réclame des critères nettement circonscrits. Ils n’impliquent aucune moralisation ni aucun pathos subjectiviste par hypocrite appel à des valeurs en soi, et ils écartent tout autant le recours à l’argument utilitariste, qui vient « adapter » ces valeurs et que n’hésitent pas à adopter positivistes ou « théoriciens de la justice » ou partisans d’une « droit naturel » auto-suffisant (« nature » visant alors l’artefact anachronique et de compromis ou de consensus, mais parfois encore invoqué aujourd’hui, que l’on reporte dogmatiquement sur l’être en s’épargnant une dialectique critique…). Dans le cas le plus odieux, l’on en connaît la triste formulation  « il a sauvé des vies « amies », et, pour pouvoir agir ainsi, il a dû en sacrifier d’autres » ; la vertu est ainsi… pragmatique, pour fuir les fanatismes des esprits trop tatillons !

Sur cette voie, s’accumuleront les bonnes raisons, dont la plus péremptoire, obscurcissant la notion de culpabilité selon le droit, paraît être dans l’ignorance de la fin ou du but. Mais demande-t-on au responsable juridique d’avoir eu la connaissance de la fin ou de la réalité la plus large, ou ne suffit-il pas qu’il ait simplement su ce qu’il faisait dans le champ le plus réduit de son action (faire arrêter des familles en divisant parents et enfants, participer à des exécutions de civils,… ou plus banalement, absorber un produit pharmaceutique onéreux sans s’inquiéter ni de sa nature, ni de l’anormalité du prix ni du réseau financier qu’il soutient) ? La responsabilité et la culpabilité devant le droit, devant l’histoire……………………………………………………..p. 9

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Personnalisme :

Le personnalisme, j’eus bien aimé que l’on en décomposât des éléments, mais mes arguments n’avaient guère été lus, au moins par ceux-là qui faisaient fonctionner la lecture établie ; quand au personnalisme que l’on supposais que je reprenais, mais sans plus de précision, il y avait évidemment une erreur totale, car justement je m’efforçais de m’en démarquer, mais ce même personnalisme d’ailleurs était si mal traité et caricaturé, sans pouvoir se défendre, que j’eus été tenté de plaider sa cause, même s’il se situait aux antipodes de ma pensée, par méfiance à l’égard de tous les rationalisme du sujet fin-en-soi d’un côté (néo-kantiens) et de tous les sociologismes de la relation de l’autre (néo-hégéliens). Alors j’ai donc suscité un autre mot (« prosopologique »). Mais ce mot lui-même la critique artificielle s’en est emparé : elle paraissait pourtant prise au piège, car il semblait l’obliger à affronter l’inconnu, et elle avait en réalité de choix entre deux voies : soit continuer la production nivelatrice de ce qui lui est extérieur, en l’ignorant – bien qu’il ait le malheur de correspondre à ce que les spécialistes du droit probatoire privé nomment un fait de « notoriété » –, soit s’y rallier, le vanter, le récupérer, mais dans son sens à elle, en gommant son sens intrinsèque, et en faisant comme si elle pouvait y trouver l’avantage d’un développement ou d’un prolongement de son propre logos. Et voilà que mon nouveau langage a fait « école », et que l’on s’en est ici ou là réclamé, quelle fortune!, ou que l’on s’en est inspiré sans toujours forcément être très explicite, mais dans la nouvelle perspective remodelée par la critique artificielle qui l’avait adopté et s’en était faite la protectrice : mais le même processus de dénégation et de refus du contenu se redéclenchait, qui traduisait la même attitude de récupération permanente de la pensée tout court et d’allergie à la critique substantielle…………………………………………………………………………………………………………....p. 33

 

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Jean-Marc Trigeaud, n. 28 déc. 1951 à Bordeaux, philosophe et juriste de formation, lauréat et docteur d’État de l’Université Panthéon-Assas (Paris II), il est professeur de philosophie du droit à l’Université Montesquieu Bordeaux IV.

Il appartient à diverses institutions scientifiques internationales et académies étrangères (il est notamment Membre d’honneur de l'Académie Royale Espagnole, section législation et jurisprudence, de l’Académie des lettres et arts de Modène et Correspondant de l’Académie nationale de droit et sciences sociales de Cordoba/Arg., co-fondateur de la Société internationale pour l’unité des sciences). Il figure au comité de direction scientifique de nombreuses collections et revues internationales (a été membre du comité de direction des Archives de philosophie du droit, Paris, Sirey, 1983-1990, et co-rédacteur en chef 1991-2005 ).

Traduit en plusieurs langues, il est l’auteur de plus de deux cents publications principales en philosophie du droit, dont plus d’une dizaine d’ouvrages fondamentaux. Plus de douze mille pages publiées ayant donné lieu à plus de deux cent articles de recensions et recherches  universitaires dans le monde. Son domaine essentiel demeure la philosophie juridique, politique et morale dans une orientation résolument métaphysicienne et soucieuse d’une ouverte à la théologie. Il s’est enfin engagé, suivant les mêmes thèmes et perspectives, dans l’approche comparée des mythes et des cultures et dans la critique esthétique.

Aspects bio-bibliographiques : American Biographical Institute et Philosopher’s Index ; Justice et tolérance : chap. X.I ;

Métaphysique et éthique... : chap.10.

 

 

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DU MÊME AUTEUR, hors B.P.C.

 

La possession des biens immobiliers, nature et fondement, (prix Picard Université de Paris II), préf. F. Terré, Paris, ed. Economica, 1981, X-632 p.

Essais de philosophie du droit, Gênes, Studio ed. di Cultura (col. “ Bib. Filosofia Oggi” –35), 1987, 350 p. (épuisé)

Une peinture de l’expectative. Essai sur l’esthétique de F. Bellomi, (bilingue), trad. Vittoria Ambrosetti-Salvi, Vérone, Accad. Belli Arti, Cignaroli, 1988

Philosophie juridique européenne. Les institutions, (dir. J.-M. T.), L’Aquila-Roma, ed. Japadre (col. « Categorie Europee » - 16), 1988, 216 p.

Persona ou la justice au double visage, Gênes, Studio Editoriale di Cultura (col. « Nuova Bib. Filosofia Oggi » - 1), 1990, 300 p. (épuisé)

Notices de philosophie du droit à l’Encyclopédie universelle de philosophie, Paris, P.U.F., volumes « Notions », 2 t., 1990, et « Œuvres », 2 t. 1991, et au Dictionnaire de philosophie politique, Paris, P.U.F., 1996